De Villiers,Gerard[SAS009]A l′ouest de Jerusalem(1967).French.ebook.AlexandriZ

1、grard de villierss.a.s n9 louestde jrusalempresses de la cit1clifton carter regarda sa montre et soupira: encore sept minutes de garde devant cette foutue porte. il allait rater la prochaine navette pour washington d.c. district fdral. et poireauter une demi-heure pendant que tina piafferait dimpati

2、ence au terminus des bus. foutu mtier! il avait sign des deux mains quand on lui avait propos, lui, simple appel, de passer son temps de service la garde des btiments de la central intelligence agency, langley. comme il habitait la virginie, ctait le rve: chaque week-end, il tait chez lui. mais les

3、semaines! les tours de garde duraient quatre heures. le travail de clifton consistait saluer impeccablement les civils et les militaires qui descendaient des cadillacs de sept mtres de long, ou des lincolns, et leur ouvrir la porte de verre blind du grand hall o des huissiers de la c.i.a. les receva

4、ient. il nchangeait jamais un mot avec personne, et il ne se passait jamais rien. lincident le plus important des deux derniers mois tait la chute dun porte-documents tenu par un amiral lgrement gteux.heureusement, en cette fin juillet, le temps tait clment et la nourriture passable!clifton regarda

5、encore sa montre: plus que trois minutes avant deux heures. avec un peu de chance, la relve allait lui faire gagner une minute. pas de voiture en vue, personne saluer. encore une journe de tire!il sappuya un arbre et laissa son regard errer sur la paroi du grand building dacier et de verre, qui rflc

6、hissait les rayons du soleil. personne ne venait jamais aux fentres car le building tait entirement climatis et, de toute faon, les rgles de scurit interdisaient quon les ouvre: des papiers secrets auraient pu senvoler et tre ramasss par de mchants espionsle regard de clifton carter atteignit le cie

7、l bleu et redescendit lentement. pour tuer ses deux dernires minutes, il commena compter toutes les fentres partir du dix-septime tage, celui des huiles. la troisime fentre, il sarrta, la bouche ouverte: le panneau infrieur venait de se soulever et une tte dhomme se penchait en avant. le soleil se r

8、eflta dans des lunettes et blouit clifton. machinalement, il quitta lappui de son arbre.a alors, fit-il tout haut, les grands chefs prennent lair. mais son sourire seffaa instantanment:nom de dieu!l-haut, lhomme tait en train denjamber paisiblement la fentre aprs avoir remont compltement la partie i

9、nfrieure de la guillotine. dj, une de ses jambes pendait dans le vide.nom de dieu, rpta clifton carter, paralys de surprise et dhorreur.son cur faisait des sauts dans sa poitrine. il hurla pour attirer lattention des gardes lintrieur du hall. lun dentre eux leva la tte, surpris. frntiquement, clifto

10、n lui fit signe de sortir. lautre franchit la porte en courant. clifton releva la tte vers la fentre.lhomme tait maintenant assis sur le bord, les deux pieds dans le vide. clifton hurla, de toute la force de ses poumons, oubliant tout respect:eh! vous, vous tes dingue ou quoi?sa voix ne devait pas d

11、passer le dixime tage. sans trop savoir pourquoi, il dgaina son lourd 45 automatique rglementaire et le brandit vers la petite silhouette, vocifrant et gesticulant. le garde du hall arriva prs de lui, leva la tte, eut une exclamation touffe et rentra dans le btiment en courant pour se ruer sur un tl

12、phone. toute la scne navait pas dur dix secondes. compltement affol, posant son colt par terre, clifton carter mit ses mains en porte-voix et hurla, se faire pter les poumons.ne sautez pas! la fentre il y eut un lger mouvement. plus tard, clifton carter soutint que lhomme lui avait fait un geste apa

13、isant de la main. il se pencha en avant et sembla rester immobile une fraction de seconde. puis, brutalement, il fona vers le sol une vitesse vertigineuse.ptrifi, clifton carter sentit une nause lui tordre lestomac. il vit tournoyer lentement le corps, effectuer presque un saut prilleux et se retrou

14、ver assis glissant toujours le long de la paroi de verre. alors il colla ses mains ses oreilles, ferma les yeux et hurla. le choc le fit tressauter une fraction de seconde. il eut limpression que stait lui qui tait tomb, ressentit la douleur dans tous ses os. tremblant comme une feuille, il ouvrit l

15、es yeux et regarda autour de lui: lhomme tait tendu sur le dos, compltement disloqu, la jambe gauche replie en trois morceaux, un bras sous le torse, au milieu du frais gazon qui entourait le building.des gens couraient dans le hall. surmontant sa rpulsion, clifton sapprocha. ctait la premire fois q

16、uil voyait un cadavre de prs. au moment o il se penchait, les portes de verre blind glissrent rapidement, interdisant toute sortie. clifton nentendait plus de cris, voyait seulement les visages anxieux crass contre les lourdes glaces. il tait seul avec le corps; il se pencha, retenant une nause, et

17、esquissa un signe de croix. larrire du crne tait en bouillie mais le visage intact, lexception des lunettes qui avaient disparu. clifton resta ptrifi pour la seconde fois: le visage quil avait devant lui tait celui de foster hillman, le chef tout-puissant de la c.i.a., lun des hommes les plus puissa

18、nts des u.s.a. une douzaine de fois, il lavait vu entrer et sortir.il neut pas le loisir de le contempler plus longuement. une poigne solide lcarta brutalement. velu comme un gorille, en manches de chemise, ladjoint de hillman, le gnral radford, se pencha sur le corps. en dpit de son visage impassib

19、le, sa paupire gauche sautait imperceptiblement, dans un tic nerveux.bon sang de bon sang, il a eu une crise de folie, entendit clifton avant de svanouir.*contrle rouge contrle central: le circuit nol ne fonctionne plus. depuis 15 heures 43. il est 15 heures 44.contrle central contrle rouge: je fais

20、 vrifier les circuits. un fusible a d sauter quelque part. cela arrive. rappelez-moi.contrle rouge contrle central: il est 15 heures 50. le circuit n1 ne fonctionne toujours pas. tout le reste est o.k.contrle central contrle rouge: il devrait fonctionner. les circuits sont bons jusqu la fin. je vien

21、s de recevoir la fiche. vrifiez vos arrives.contrle rouge contrle central: il y a longtemps que cest fait. tout est o.k. que dois-je faire?contrle central contrle rouge: rien. je men occupe. prvenez-moi si le circuit se rtablit.contrle rouge contrle central: sr. mais il y a quelque chose de bizarre.

22、contrle central scurit 1: le contrle rouge n1 ne fonctionne plus depuis dix minutes environ. sans raison apparente. que devons-nous faire?scurit 1 contrle central: quest-ce que vous voulez que cela me fasse? je ne suis pas lectricien. dbrouillez-vous.contrle central scurit 1: sir, vous navez pas com

23、pris. la panne vient de lintrieur du bureau. comme si m. hillman avait dbranch lui-mme lappareilscurit 1 contrle central (aprs une hsitation): cest tout fait impossible. il doit y avoir une panne quelque part.contrle central scurit 1: notre lectricien est formel. lappareil a t dbranch de lintrieur d

24、u bureau. on a t le fusible.scurit 1: m. hillman a d faire une fausse manuvre. il est compltement impensable quil ait agi volontairement. je me mets en rapport avec son bureau. je vous rappelle.contrle central: faites vite.scurit 1 poste 2211: ici, lofficier de scurit, puis-je parler au gnral radfor

25、d. urgent.poste 2211 contrle central: ici, radford, quest-ce qui se passe?scurit 1 poste 2211: probablement rien, sir. mais le contrle rouge me signale que le bureau de m. hillman est hors circuit. il semblerait quil ait dbranch accidentellement son appareil. pouvez-vous le contacter tlphoniquement?

26、poste 2211 scurit 1: quest-ce que cest que cette histoire de fous? je ne vais pas empoisonner le patron pour des histoires de magntophones attendez quil ne soit plus dans son bureau.scurit 1 poste 2211(fermement): sir, ce sont les consignes. il faut vrifier le circuit nol.poste 2211 scurit 1: o.k.,

27、je lappelle. mais il va tre furieux.scurit 1 poste 2211: merci, sir, rappelez-moi.poste 2211 poste 1 a: pourquoi le poste 1 ne rpond-il pas?m. foster hillman na quune porte, juste en face de notre bureau de poste 1 a poste 2211: si, il y est. depuis 14 heures environ. nous ne lavons pas vu sortir.po

28、ste 2211 poste 1 a: est-il seul?poste 1 a poste 2211: oui.poste 2211 poste 1 a: voulez-vous frapper la porte de son bureau. son tlphone semble en drangement. dites-lui que le gnral radford voudrait entrer en communication avec lui.poste 1 a poste 2211(aprs quelques secondes): sir, hillman ne rpond p

29、as. pourtant linterphone fonctionne ainsi que le circuit de tv. jai mme frapp, sir.poste 2211 poste 1 a: bon dieu, il a d sortir sans que vous le remarquiez.poste 1 a poste 2211: tout fait impossible, sir, le bureau de m. foster hillman na quune porte, juste en face de notre bureau de contrle. nous

30、navons pas boug depuis 1 heure 30.poste 2211 poste 1 a: vous avez une clef spciale pour ouvrir en cas dincendie. allez-y et ouvrez la porte.poste 1 a poste 2211(aprs quelques instants): sir, la porte de m. hillman est ferme de lintrieur avec la serrure de scurit.poste 2211 poste 1 a: jarrive. prenez

31、 vos dispositions pour faire enfoncer la porte.poste 1 a poste 2211: enfoncer la porte! mais cest le patposte 2211 poste 1 a: jai dit: enfoncer la porte. et vite.jarrive.poste 2211 scurit 1: ici radford. il y a quelque chose danormal dans le bureau du patron. il ne rpond plus. probablement un malais

32、e. prvenez contrle vert et marron et faites monter le docteur james buck. vite. jy vais. ah! avertissez contrle 10: personne ne doit sortir du building jusqu nouvel ordre!scurit 1 contrle vert et marron: attention, ici, scurit 1. le patron a eu un malaise dans son bureau. il sest enferm et ne rpond

33、plus.*foster hillman tait soudain devenu dune pleur de spectre. ses yeux roulaient lgrement dans leurs orbites. sa gorge se crispa comme si ses muscles chappaient soudain son contrle. ctait lattitude dun homme qui sanglotait, mais aucun son ne sortit des lvres du chef de la c.i.a. il secoua la tte.s

34、a main se tendit vers le rcepteur du tlphone, puis, alors quil nen tait plus qu deux centimtres, simmobilisa. tout son corps parut se figer, se ptrifier, il ne tremblait pas, il ne disait pas un mot, il tait simplement crisp dans une attitude qui dissimulait une motion dune agonisante intensit. la s

35、onnerie continuait.la main de foster hillman atteignit le rcepteur et le dcrocha brusquement.il serrait lbonite si fort que ses jointures blanchirent.ici, foster hillman, dit-il dune voix peine audible. lautre bout de fil, la voix commena parler, comme elle lavait dj fait, lentement et distinctement

36、, avec un lger accent. chaque mot senfonait dans le cerveau de foster hillman comme une langue de feu. il essayait de rflchir en coutant, mais ny parvenait pas. pourtant, ce ntait pas un homme motif.ceux qui ne laimaient pas beaucoup washington disaient quil tait tellement froid que la temprature ba

37、issait de plusieurs degrs quand il entrait dans une pice. ctait un analyste distingu lesprit clair et mthodique, dont les jugements et les conseils taient couts du prsident des u.s.a. rgulirement. on disait au pentagone sage comme foster hillman.il sursauta. la voix dans le rcepteur se faisait plus

38、pressante, menaante. il dut chercher ses mots pour dire:oui, je vous coute. je je suis l.foster hillman se trouvait pris dans un dilemme si cruel et si aigu quil en tait incapable de bouger et de penser. pendant la moiti de sa vie, il avait t entran enregistrer dans son esprit des faits marqus top-s

39、ecret. avec un zle infatigable il les avait enferms dans un coin de son cerveau. et maintenant, on lui demandait daller lencontre de tous ces rflexes, de renier cet enseignement de toute une vie.mais il y avait aussi lautre pression atroce. un moment, il avait cru pouvoir y chapper. le vieil instinc

40、t combatif stait rveill. mais il regrettait son coup de tlphone de la veille. une analyse de la situation lui avait montr quil navait aucune chance. la voix continuait se faire entendre, mais il ne lcoutait plus. comme un automate, il raccrocha et, aussitt, le silence se fit autour de lui, total.dan

41、s ce bureau climatis, insonoris, blind, ignifug, il tait dsesprment seul. il ne sentait mme pas le pouls de limmense c.i.a. sa c.i.a. vivant autour de lui.lourdement, il se leva et repoussa son fauteuil en arrire. son visage svre, marqu de grandes poches sous les yeux, tait dcompos. dune main trembl

42、ante, il chercha dans sa poche le lourd tui cigarettes en or qui ne le quittait jamais et alluma une winston. il resta un instant immobile au milieu de la pice, berc par le chuintement de lair conditionn. mille penses traversaient son cerveau, vestiges des temps hroques o il tait un des cracks de lo

43、.s.s., o il risquait sa vie dix fois par semaine pour samuser. brusquement, il crasa sa cigarette peine entame dans le cendrier et revint vers le bureau. il adressa un sourire las au cadre dargent qui mettait en valeur la photo en couleur de sa femme, morte depuis plusieurs annes, portrait qui ne qu

44、ittait jamais son bureau.nous y voil, mary, fit-il voix basse.les mains plat sur la moleskine, il contempla le portrait un long moment. ctait la seule femme quil et jamais aime. grce cela, lide de la mort ne leffrayait pas trop. certes, le suicide heurtait ses convictions religieuses, mais dieu lui

45、pardonnerait srement. dun geste prcis, il ferma le verrou chiffres de la porte et brouilla la combinaison.puis, il revint au bureau et ouvrit le premier tiroir. il en tira un dossier vert dune vingtaine de feuillets, et alla sasseoir sur la banquette prs de la table basse au-dessus de verre. puis, i

46、l alluma le gros briquet de table, cadeau du prsident quil promena sous le dossier. les feuilles de papier pelure senflammrent immdiatement. foster hillman les tint le plus longtemps possible puis les laissa achever de se consumer sur le dessus de la table.pendant que les derniers morceaux de papier

47、 se calcinaient, il inspecta rapidement le contenu de son portefeuille. quelques bouts de papiers taient tombs par terre, mais cela navait aucune importance: la moquette tait ignifuge.avant douvrir la fentre, il eut un dernier regard pour son bureau.les trois tlphones semblaient le narguer. lun tait

48、 reli directement la salle doprations de la maison blanche, le second tait sa ligne directe et le troisime desservait la c.i.a. avec ces trois appareils, il tait lun des hommes les plus puissants du monde.pourtant, ils ne pouvaient pas le sauver. rien ne pouvait plus le sauver.au moment o il souleva

49、it le battant infrieur de la fentre guillotine, lun des tlphones commena sonner. lautre le relaya aussitt. foster hillman ouvrit compltement la fentre et se pencha au-dehors. do il tait, la silhouette du soldat de garde semblait minuscule. calmement, il enjamba lappui de la fentre.ctait le moyen le

50、plus sr. il navait pas darme feu sous la main. il saccorda dix secondes pour regarder le bleu du ciel puis sauta dans le vide en murmurant une prire. les deux tlphones sonnaient toujours.2devant la porte la serrure arrache, deux civils au visage svre montaient une garde vigilante. le bureau de foste

51、r hillman grouillait de monde. le gnral radford, les yeux rouges, un norme cigare au poing, stait assis dans le fauteuil du patron de la c.i.a. les cendres des papiers brls par foster hillman avaient t rassembles soigneusement dans un bac en matire plastique pos sur le bureau. la nouvelle du suicide

52、 de foster hillman stait rpandue comme une trane de poudre. radford avait runi en hte quelques responsables et prvenu la maison blanche ainsi que les agences fdrales soccupant de renseignements. certains taient venus en hlicoptre. une dizaine dhommes en costume sombre, les traits tirs, taient rparti

53、s dans la pice, qui dans les fauteuils de cuir, qui sur la banquette, ou simplement debout. parmi eux, il y avait james coburn, directeur de la n.s.a. national security agency. cest lui qui semblait le plus inquiet.enfin, vous navez aucune ide de la raison qui a pouss hillman commettre ce geste inse

54、ns? demanda-t-il.le gnral radford lui mit son cigare sous le nez:il est mort depuis deux heures. comment voulez-vous que nous sachions quelque chose? je lui ai parl une heure avant sa mort. tout fait normal. nous prparions une confrence pour le pentagone, sur les missiles anti-missiles russes.avait-

55、il lair nerv? demanda un gnral, minence grise de lair force.pas du tout. aussi calme que dhabitude.dpression nerveuse? hasarda un autre gnral.les yeux flamboyants de radford sarrtrent sur le galonn. son regard tait haineux et son corps bizarrement pench comme sil tait soumis quelque invisible suppli

56、ce. il avait aim hillman comme un frre.et pourquoi pas une jaunisse? fit-il. il tait parfaitement quilibr et adorait son job. le prsident lavait encore flicit il y a un mois pour ses analyses de la situation au moyen-orient.et sil avait eu un cancer? un truc ingurissable? dit coburn. un silence de mort tomba sur le bureau. puis radford se rua sur un tl